Transkarukera 2018 – 59km – Retour à l’état sauvage !

juillet 3rd, 2018

La prise de conscience

Quand tu vas sur une nouvelle course, il y a toujours une part d’excitation et de peur.
Pour la Transkarukera, j’ai tout de suite compris que cela allait être une réelle aventure en arrivant à l’aéroport en parlant avec des traileurs expérimentés. Dans mon cas c’était une traileuse : Alexandra. « C’est une aventure à la Kho-Lanta » J’étais prévenue !

Et quand tu entends ce mot, tu te dis que ça ne va pas être gagné. En même temps, j’étais là pour ça, pour l’aventure. J’avais quelques jours pour me préparer mentalement.

Après 9h de vol, me voilà à Pointe-a-Pitre, en Guadeloupe. 30 degrés et une humidité à 80/90%. Dès le premier soir, nous avons un débriefing plus poussé de la course par Luca Papi, un grand traileur qui a gagné plusieurs fois le 140km de la Transkarukera. « Il pleut tout le temps, mais tu vas voir ça rafraîchit… » Moi qui ne suis pas une grande fan de pluie, je me suis dit que cela allait être un peu compliqué de faire 59 km sous la pluie.

« Oh les balises c’est simple tu peux faire 1 ou 2 km sans en voir une… En même temps il n’y a qu’un chemin, tu ne peux pas te tromper… » Gloups, euh… On me dit qu’une trace gps sera utile. Petit soucis, je crois que ma montre ne fait pas cela ! Je passerais les prochains jours à chercher par tous les moyens à trouver une solution pour l’avoir cette fichu trace sur ma montre. Heureusement pour moi, d’autres personnes un peu geek ont déjà tenté cela et le partage sur la toile. Ouf ! Je suis sauvée ! Je vous avoue que c’est un gros soulagement surtout que la moitié de la course se fait de nuit…
Les jours suivants seront consacrées à la découverte de l’ile pour préparer un voyage avec Trail The World pour l’année prochaine. Il y a tellement de petits spots trop mignons à découvrir : mer, montagne, cascades, il y en a pour tous les goûts.

 

Le départ

Puis viens le jour de la course, le sac est prêt, j’avais étudié le parcours et surtout les ravitos : un seul solide sur tout le 59 km. Je devais donc prendre de quoi survivre ! Barres céréales, pâtes d’amandes, dragibus (comme d’habitude, en cas de coup de mou…) et de la patate douce. Ça m’aiderait à tenir le choc.

Navette depuis Les Abymes jusqu’à Pointe-Noire, lieu du départ de la course. Nous partons dans moins d’une heure et l’ambiance est là avec la petite musique des Antilles. Ça donne le sourire ! Plus que 5 minutes avant le départ, la pluie commence à tomber… Oh non et c’est que le début ! Mais, on avait été prévenu : « Il pleuvra quoi qu’il arrive, il n’y a jamais un jour en Guadeloupe sans pluie » .
5…4…3..2..1.. c’est parti ! Pour la première fois, je suis sur la première ligne au départ, il faut dire que c’est facile, nous ne sommes que 30 à courir.La pluie s’arrête, il commence à faire chaud… Et le mur par lequel je commence la course ne fait pas redescendre la température. Il fait chaud, très chaud. Jusqu’ici, je suis avec Fred et nous montons à une bonne allure. En 35 minutes nous parcourons nos 4 premiers kilomètres. Quelques instants pour reprendre des forces et nous voilà reparti… Les chemins commencent à être des sentiers, je monte toujours à bonne allure jusqu’au 8e kilomètre et le deuxième ravitaillement.
C’est à ce moment que nous nous séparons avec Fred. Nous n’avons pas la même allure ! Je continuerai à mon propre rythme pour ne pas trop me « cramer ». Je suis restée très peu de temps au ravitaillement, je n’ai même pas rempli mes flasques… Erreur que je regretterai quelques kilomètres plus tard.

 

La Jungle

Je m’enfonce dans la jungle et j’ai 7 bon kilomètres jusqu’au prochain ravitaillement…. La nuit se fait de plus en plus noire, je m’enfonce de plus en plus dans la jungle avec seul repère la trace gps que j’ai mis sur ma montre. Il y a des balises par-ci par là, mais il faut rester très attentif… Au fur et à mesure, le bruit de la forêt est de plus en plus fort : j’entends des grenouilles et des animaux dont le son m’est inconnu. C’est l’aventure !
Je passe à travers des chemins jonchés de racines et d’arbres en tout genre. J’utilise mes mains pour me tenir aux arbres lors des montées, mais aussi des descentes. Je fais la découverte d’un nouvel univers. S’en suit une succession de montées et descentes raides avec de la boue, c’est très glissant et parfois dangereux ! Il y a des cordes heureusement pour s’accrocher… On ne voit rien à 50 mètres… Mais les kilomètres continuent de défiler et je me retrouve proche du prochain ravitaillement. Il fait toujours très chaud et je sens que l’eau vient à me manquer et qu’il me faut autre chose à boire. Je ne peux pas manger, j’ai mal au ventre à cause de la chaleur. Je me force tout de même, j’ai besoin d’énergie pour avancer… 5 minutes dans la bouche pour une bouchée de ma barre, je n’ai jamais autant peu mangé d’une course… C’est très étrange !

En-fin ! Je sors de la jungle et je me retrouve sur une route, je sens que le ravitaillement n’est pas loin… Mentalement cela me fait beaucoup de bien car dans la jungle et dans le noir, c’est comme si tu perdais tous tes repères. Je vois au loin une voiture blanche et un bénévole qui en sort, ça y est j’arrive au ravitaillement. Ouf, il a de l’eau, je remplis toutes mes flasques, cette fois ci-je ne ferais pas l’impasse ! Le bénévole me dit que jusqu’à Sofaia il va y avoir un peu de gadoue…

Je me lance jusqu’à Sofaia, qui se trouve au 22e kilomètre de ma course. Je sais qu’après ce ravitaillement, la jungle ce sera finit. Place à la route et au plat. Il n’y a pas un peu de boue, mais énormément de boue ! Depuis quelques jours, la nuit il pleuvait beaucoup, cela n’a pas dû arranger l’état du terrain. Ça monte et ça descend… Je commence à ressentir de la fatigue, alors je décide de chanter, de fredonner pour occuper mon esprit, un peu comme en voiture pour faire passer le temps… Et ça fonctionne ! Je pense à autre chose et j’avance ! Puis viens les descentes, je sens que je peux courir, pas très vite, mais je cours quand même ! Je fais des glissades, tombe quelques fois mais je repars, ce n’est pas une petite chute qui va m’empêcher d’avancer. Je sens que j’arrive au ravitaillement, je commence à rejoindre un chemin et je passe une coureuse qui me dit qu’il n’est pas loin.

Cela fait 7h que je cours, je suis contente j’ai fait les 23 kilomètres (soit environ du 3,2 km/h), les plus durs de la course… Enfin c’est ce que je crois à ce moment là. Au moment d’arriver au ravitaillement, qui je retrouve ? Fred, en train de manger des pâtes… Quelle bonne nouvelle ! Nous allons pouvoir finir en ensemble.

La route

Quelques pâtes avalées plus tard, nous repartons tranquillement ! Il ne fait pas encore jour, nous avons encore quelques heures avant que le soleil se lève et que la chaleur nous étouffe ! Eric, un local, a rejoint notre binôme. Nous formons à présent un trio ! Il connait bien la dernière partie et va nous guider tout le long de la fin du parcours. Nous arrivons au 30e kilomètre. J’ai à nouveau faim, nous nous arrêtons et discutions avec les bénévoles du ravito. Ils nous proposent de nombreuses choses à manger, mais la seule chose qui me fait envie, c’est le melon. Pas très nourrissant, mais très bon contre la déshydratation. A la sortie du ravitaillement, je dessers mes chaussures, mes pieds ont gonflés avec la chaleur, c’est une vraie délivrance !

Puis nous continuons vers le Lamentin, il y a des chemins, du bitume, nous sommes vraiment dans la ville, il est 5h du matin, personne n’est debout à part les deux trois bénévoles qui nous servent volontiers ce que nous demandons. Je vois une pomme potes, je l’avale car je n’ai pas besoin de trop mâcher. C’est difficile de manger, mais je me force pour ne pas trop m’épuiser. Nous sommes à 20 kilomètres de l’arrivée et je me rends compte que l’humidité m’a attaquée l’aine, chaque mouvement me fait mal. Mais il faut continuer à avancer pour courir le moins au soleil. Nous mettons en place une stratégie d’alternance course/marche que nous essayons de respecter le plus possible. C’est dur, mais nous avançons avec un seul objectif en tête : atteindre Les Abymes.

Le jour commence à se lever et c’est à ce moment qu’Eric lance : « On a vraiment eu de la chance, on n’a pas eu de pluie du tout ! » Trois secondes plus tard, une averse des plus rafraichissantes nous tombe dessus. Autant je déteste la pluie, comme vous avez dû le voir dans le semi de Paris que j’ai fait sous la pluie il y a quelques années, cette fois-ci c’était une bénédiction !

Eric a un peu discuté avec les bénévoles et ils lui ont dit que les prochains kilomètres allaient être compliqués : mangrove, marécage… la totale ! Nous, qui pensions que la fin serait plate et simple… Et bien non ! Genoux dans la vase, sol boueux et mobile, on ne nous épargne pas. Une fois ces obstacles passés, nous avons le droit de rejoindre le bord de mer, c’est beau ! C’est calme, personne n’est encore levé, mais il fait chaud, très chaud ! L’eau ne me suffit plus et je n’ai plus de boisson d’effort, je dois boire autre chose.

Aller chercher la deuxième place

C’est au 44e kilomètre, que les bénévoles nous donnent du power rade pour pouvoir se réhydrater. C’est du sucre mais c’est la meilleure des options pour voir un peu de nutriments pour les kilomètres qu’ils restent. Les mêmes bénévoles m’indiquent que deux filles se trouvent à moins de 5 minutes de nous. Je tique un peu et lui réponds : « ce sont des filles du 90km, c’est sur » Et non, il me confirme bien que ce sont deux filles du 59km. On se regarde avec Fred et on se dit qu’il va falloir aller les chercher. Je suis fatiguée, mais bon c’est quelque chose d’envisageable pour moi. 5 minutes ce n’est pas si loin. Nous continuons notre alternance course/marche et nous rejoignons les deux filles. Nous les dépassons à une allure moyenne (10km/h), elles marchent. Nous continuons à courir. Je m’engage à courir au moins jusqu’à l’endroit où nous devons faire du kayak.

Au loin, une des filles a été surement piquée par notre allure, elle montre qu’elle veut se battre, elle arrive en même temps que nous à l’embarquement des kayaks. Nous faisons la course sur les 100m de kayak, mais elle est rapide, elle a la pêche ! En sortant, elle me jette un regard et me dit : « Allez il ne faut pas lâcher… »Je sens qu’elle est en très bonne forme, je ne suivrais pas son allure, je n’ai jamais voulu viser une victoire, alors une seconde place sera très bien pour moi. Il faut juste que je ne me fasse pas rattraper par la troisième. Nous avançons en marche rapide : 7km/h. Il fait de plus en plus chaud. Il ne reste plus que 10 kilomètres. Nous avons juste un dernier ravitaillement avant l’arrivée. Je fonctionne de ravitaillement en ravitaillement maintenant, cela fonctionne bien mentalement. Je ne pense qu’à cela. Mes irritations me brûlent à nouveau : dans le kayak, il y avait de l’eau de mer… Aie, Aie, Aie !

Je pense rapidement à autre chose, je suis en surchauffe.J’avance, je ne pense qu’au prochain ravitaillement. Je sens que le moral descend, alors je sors ma botte secrète : les dragibus ! Un bonheur pour le mental, je me sens soulagée pendant quelques minutes, ça fera l’affaire.

Le finish

Allez plus que 5 kilomètres avant la fin, nous faisons une dernière pose technique pour s’hydrater et se mouiller la tête. Nous continuons notre chemin et sommes rafraichi par une belle averse qui nous permet d’y voir plus clair et de se dire que c’est bientôt la fin. La 3e ne me rattrapera plus, je ne crois pas. Dernière montée et il ne nous reste que 2 kilomètres ! Si je me bouge un peu, nous aurons couru moins de 14h. Une fois le bitume rejoint, je me lance dans une course contre moi-même. Dans ces moments là c’est je me parle : « Allez Maud, tu peux le faire, fais-toi un peu mal ! » Je suis en souffrance mais j’y vais, je sais que c’est la fin ! Fred est avec moi et nous passerons la ligne ensemble. Je reconnais les lieux, une petite montée et j’arriverai sur la place de la Maison du Tourisme aux Abymes. Plus que quelques mètres et nous arrivons main dans la main !

Quel bonheur ! Ça y est, je l’ai fait j’ai vécu l’aventure Transkarukera en 13h55 ! C’est incroyable ! Une vraie aventure à l’état sauvage ! Et pour la première fois de ma vie, je suis arrivée deuxième, je vais avoir un trophée. Une grosse revanche pour la fille qui n’était pas bonne en endurance au lycée.

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