Trail de Bourbon 2017 – L’Ultra qui m’a remis en place !
décembre 10th, 2017
Cette année j’avais un planning assez chargé avec le 177km l’ultra du golfe du Morbihan ! Je n’avais pas pour objectif de courir à la Reunion mais je voulais accompagner Fred qui m’avait suivi sur le long de mon ultra. Lui courait LA DIAGONALE DES FOUS !!! Et puis je me suis dit : « Tiens si je peux courir une course, pas la Diagonale mais une plus courte, je le ferais… » J’y pensais sans vraiment y penser car nous étions à quelques mois de cette compétition, c’était impossible. Impossible n’est pas Modus apparement…
C’est pendant le Trail des Passerelles en juillet, lorsque je soutenais Fred et d’autres potes, que j’ai rencontré Mikael qui ne pourrait pas faire une des courses du Grand Raid de la Reunion : Le Trail de Bourbon. Seulement c’était 111km et 6400m D+… Effectivement c’est moins long que la Diagonale des fous mais c’est quand même une sacrée distance…
Je me laissais le temps de la réflexion (le temps de quelques semaines…) et me voila partie pour ce trail dans un endroit que je ne connaissais pas avec beaucoup de dénivelé, cela allait être dur, je le savais.
Je m’entrainais donc à courir sur des sentiers avec du dénivelé : entrainement totalement différent par rapport à celui de l’ultra marin. Je participais aussi à une course dans les Pyrénées sur 5 étapes : Le Pyrénées Tour Trail avec un 13km nocturne (800m D+), un 20km (1400m D+), un KV, un 32km (2800m D+) et un 42km (2400m D+). Beaucoup de dénivelé, c’est bon ! En plus ma tendinite de la pâte d’oie que j’avais eu en juillet ne me faisais plus mal… C’était le test : je l’avais passé !
J’avais d’autres courses avant ce 111km : le marathon du Médoc en septembre. Je dois vous avouer que ce n’est pas une réelle compétition mais plus un bon moment passé avec des amis. C’est tout de même un marathon !
Puis, je suis partie au Chili (aussi en septembre) pour courir l’Ultra Trail de Torres del Paine, un 50km, pas si compliqué que ça comparé au 177km… Cela aurait été trop facile s’il n’y avait pas eu un petit challenge supplémentaire : j’ai du courir avec 39 degrés… de fièvre ! Malgré la beauté des paysages et le fait que je courais dans un des plus beaux parcs nationaux au monde, j’ai beaucoup souffert. Plus j’avançais dans cette course plus je souffrais.. J’ai finalement fini cette course, non sans mal.
Et finalement avant le Trail de Bourbon, j’ai fait la Spartan Race super (début octobre). Une course d’obstacles sur 13km en équipe. 25 obstacles, de la boue, des burpees : un bon challenge avant mon aventure réunionnaise…
Me voilà donc partie pour la Réunion, mi-octobre ! Je pars avec Fred, Jonathan et la famille de Fred. Son cousin, un de ses amis, Jonathan et Fred allaient courir la Diagonale.
Nous sommes donc allés chercher nos dossards le mercredi avant le départ, plus de marche arrière possible. Il fallait se lancer. J’avais un jour de plus que les garçons pour me faire à l’idée de mon départ. Je partirais le vendredi à 21h.
Le jour J, je vérifiais à nouveau mon parcours, mon matériel obligatoire, j’étais prête ! Le vendredi je prenais donc la navette à 15h pour rejoindre mon point de départ : Cilaos, un des trois cirques de la Réunion. Devinez combien de temps j’ai mis me rendre dans cette ville ? 4h, oui je dis bien 4h. C’est une des routes les plus belles de la Réunion mais une des plus sinueuses et étroites. Vous imaginez avec un bus en plus !
Je découvre Cilaos de nuit et son stade. Je remets mes deux sacs de ravitaillements à l’organisation. Un que je récupérerai à Sans Soucis (73km) et un au stade de la Redoute à Saint-Denis (l’arrivée).
Un dernier petit repas avant de partir, je retrouve également Amandine et Clement, deux coureurs qui ont prévu d’exploser leur temps sur cette course. Nous ne ferons donc pas la course ensemble. Nous nous souhaitons bonne chance et nous séparons. Le départ sera donné dans quelques dizaines de minutes.
Tout le monde commence à s’attrouper devant les grilles du stade. Au moment de leur ouverture, un flot de personnes commence à bouger, tel un troupeau de vaches. J’en vois même certains courir ! « Mais vous allez courir pendant 111km, ça vous suffit pas ? » je m’exclame tellement je trouve cela absurde.
Puis la musique est lancée, le speaker commence à lancer le compte à rebours, 10…9…8…7…6…5…4…3…2…1, c’est parti pour 40 heures minimum d’effort (pour moi bien sur) ! J’essaye de ne pas y penser, car sinon ça va me déprimer ! J’oublie vite ces longues heures car les supporters sont présents pour nous encourager, ça donne le sourire ! C’est beau !
Tout doucement nous courons, sur de la route au début puis les premiers sentiers, les premières petites côtes, les premiers bouchons….
6e km, nous arrivons à la partie que tout le monde appelle « le bloc ». C’est une ascension de plus de 1200m pour arriver au gite du Piton des neiges (situé à 2500m d’altitude). Il porte donc très bien son nom. 2h d’ascension, à regarder les pieds du coureur ou de la coureuse devant moi comme seule motivation pour avancer. Je marche tranquillement car je sais que j’ai 3 grandes ascensions !
11ekm, je me retrouve au gite, il est minuit, il commence à faire froid, le vent n’aide pas trop. Je demande s’il y a de la soupe de légumes. La réponse négative me glace encore plus que le froid. J’avale une barre céréales, je rempli mes flasques et repars. Enfin une descente, « normalement ça va descendre jusqu’à Hell-bourg (24ekm) ». Les descentes sont accidentées : soit des cailloux, soit des rondins, soit du sol boueux… Et encore, il ne pleut pas, sinon imaginez la boue ! Je ne veux même pas y penser. Je croise au fur et à mesure des gens qui tombent car la fatigue se fait ressentir mais aussi des personnes qui vomissent. Dur, dur ! J’avance et je vois au loin au fur et à mesure Hell-bourg. Dans cette descente, je rencontre deux réunionnais : Christine et Ludovic. Christine a déjà fait les deux autres courses (Mascaregne et la Diagonale des fous) et Ludovic lui a fait 5 fois le Trail de Bourbon, fini 3 fois. Waou ! Je suis impressionnée, je les suis car ils connaissent le terrain. Nous arrivons finalement au gite de Bélouve au 19ekm. Je mange un bout avant de repartir. Dans 5 kilomètres, un vrai ravitaillement nous attends. Cette descente jusqu’a Hell-bourg est très technique en plus je n’ai plus de pile sur ma lampe. Je profite de Christine pour qu’elle m’éclaire pendant les 50 minutes de la descente. Ouf nous sommes arrivés, il est 3h40 du matin ! Le ravitaillement est super sympa, il y a de la musique, de la soupe au légumes cette fois-ci. J’envoie quelques messages avant de repartir. Je prends le temps de bien manger et de changer mes piles avant de repartir.
Il y a encore une petite descente sur du goudron (seule partie non accidentée depuis un bon bout de temps…), c’est la que je rencontre Wilfred, un tout jeune trailer, qui s’est lancé un défi : finir le Trail de Bourbon ! L’année dernière il ne l’avait pas fini… J’écoute aussi ses conseils, ce qui a pêché, ce qui lui a fait le plus mal. Il me parle de la descente de Sans Soucis, je l’écoute et j’essaye de visualiser cela mais c’est dur car je ne connais pas le terrain. Au fond de moi je me dis que rejoindre Sans Soucis sera top car c’est 13km en descente… (Ce que je croyais…). Puis, nous commençons à monter une nouvelle fois : 10km de montée ! Waou ! Bonne nouvelle, nous avons le droit a un sentier de 4X4, beaucoup plus facile que les sentiers de la nuit, je me sens bien, en plus dans quelques heures le soleil se lève ! Ça va faire du bien au moral !
Je croise Felix qui est un réunionnais sponsorisé par son entreprise pour courir le Trail de Bourbon. Il me raconte sa vie, comment la course l’a sorti d’une dépression après son divorce. Ce que j’aime bien avec les courses de longues
distances c’est que je peux parler plus longuement avec des coureurs et coureuses. Surtout dans ces courses, les gens se livrent beaucoup plus que dans la vie en général, comme si on était dans une bulle l’espace d’une journée (ou deux…) et qu’on pouvait se confier à des personnes qui nous comprendraient.
Le soleil se lève petit a petit, je commence a me réchauffer car la nuit était assez fraiche. Je passe quelques cours d’eau avec de très belles cascades. J’ai déjà couru plus de 35km, il est 6h du matin.
Le sentier monte, monte, pour enfin arriver à la plaine des merles. Je sens qu’il va falloir que je dorme avant d’être fatiguée, malheureusement il fait froid, le ravitaillement est à l’ombre et il n’y a pas de lit. Je dois continuer. Je prends une quinzaine de minutes pour manger et me reposer de cette longue ascension.
La prochaine étape, c’est Marla ! Je trouverai un endroit pour aller me poser quelques minutes, il le faut !
Je commence a ressentir la chaleur, c’est bon, je suis bien ! Après le cirque de Cilaos, celui de Salazie, me voilà face à Mafate et son Maido ! Je m’arrête prendre des photos et regarde ce qui m’attend. Un vrai mur ! C’est unes des grosses ascensions du parcours. Je continue et rejoins Marla. Cette descente m’atteint particulièrement car je suis très fatiguée, je n’avance pas, je n’avance pas. Marla enfin ! Je cherche un lit de camp mais rien juste du carton pour s’allonger… Je suis en train d’halluciner sur cette organisation ! Je veux bien que nous soyons dans Mafate et que l’approvisionnement soit compliqué mais mettre au moins une dizaine de lits de camp ne ferait pas de mal. Je demande à un bénévole de venir me réveiller dans une dix minutes afin d’être sure de ne pas entamer ma nuit de sommeil. J’enlève mes chaussures, j’ai tellement mal au pieds, j’ai des sortes de crampes, contractures aux pieds qui me réveillent sans cesse.
Apres dix minutes à tourner dans tous les sens, il est l’heure de se réveiller et de repartir. Mais je suis tellement fatiguée que des larmes coulent le long de mon visage. Je parle avec deux trois coureuses qui me remontent le moral et je repars.
J’ai toujours les larmes aux yeux, c’est à ce moment que je rencontre 3 randonneurs. il vont vers Trois Roches. Nous discutons, ils me font penser à autre chose, je vais mieux, j’avance et puis ça descend. Je fais un stop au moment de les quitter, je me trempe les pieds dans l’eau. Ça me fait un bien fou ! Je repars avec une seconde énergie, une envie de finir et de monter ce Maido ! La chaleur se fait de plus en plus dure, et ça grimpe, ça grimpe pour rejoindre le ravitaillement de Roche plate, juste avant la grande ascension du Maido. J’essaye de parler avec d’autres coureurs pour penser à autre chose, pour oublier que j’ai chaud, que c’est dur, que j’ai mal, que je suis fatiguée… Bref pour distraire mon esprit !
Apres de nombreuses petites montées abruptes, me voila à Roche plate (53e km) il est bientôt 14h, je prends le temps, je mange, je me masse, j’appelle Fred ! J’ai besoin de lui parler. Je repars sans réelle envie m’attaquer à une des montées les plus dures de la Reunion ! Aouch ! Je m’accroche à un « wagon », Gilles qui connait le Maido, il
donnera le rythme tout le long de cette ascension. Pour me donner du courage, je sors un paquet de dragibus et chaque 25% de la montée j’en mange. Si vous ne le saviez pas, sur le Maido, il y a un petit marquage tous les 25%, bien mais horrible à la fois. La fatigue se fait de plus en plus ressentir, je commence même a avoir des hallucinations : je prends les bouts de bois pour des photographes par exemple et je leur parle… Oula, il est temps de dormir Modus !
Enfin, je vois le haut du Maido et tous les supporters, ils sont là, ils chantent, ils scandent le nom de tous les coureurs. Il est 17h ! Je suis en larmes quand j’entends mon nom… Je m’assois, deux bénévoles s’occupent de moi, me couvrent, je dois tout de même continuer car le « vrai ravitaillement » est 20 minutes plus loin.
Je suis accueillie par un des bénévoles responsable de la team Gaspar. C’est la team dans laquelle j’étais enregistrée pour cette course. Ils proposent un accompagnement dans les ravitaillements : changement des goudres, lits adaptés, ravitaillements en nourriture… Je demande donc à ce bénévole de me réveiller dans 20 minutes, j’ai 3 heures d’avance sur les barrières horaires, je suis dans les temps, je peux me reposer. J’enlève mon tee-shirt, je me mets dans un lit confortable, je prends une bouillotte, j’essaye de fermer les yeux. Malheureusement, ils ont eu la bonne idée de mettre les lits prêts du concert organisé sur ce ravitaillement. Pas l’idéal pour se reposer ! Je n’arrive pas à fermer l’oeil, mais je me sens plus reposée qu’avant.
Maintenant c’est de la descente. Mais à la Reunion qui dit descente, dit montée ! Je ne m’attendais pas à cela du tout. La nuit commence à tomber, tout comme mon moral, plus personne devant et plus personne derrière… Je me mets de la musique pour me donner du courage, et là mes tendons des genoux me font mal, très mal ! Tous les 100 mètres je m’assoie, je n’avance plus, je traine la patte… Après deux heures dans le noir et à bout de force, j’appelle Fred en larmes pour savoir comment était le chemin après Sans Soucis. Une réponse claire de sa part : « c’est la merde ! » Lui faisait la diagonale et était sur le même parcours que moi après le ravitaillement de Sans Soucis. Je sens que son optimisme naturel a disparu et que s’il me dit cela, je dois vraiment m’inquiéter. Je suis encore une fois en pleurs, je ne prends plus du tout de plaisir à avancer, je repense à l’Ultra Marin et de la difficulté de la deuxième nuit. Cette fois-ci, j’aurais encore deux ascensions et pas des moindres : deux fois 600m de dénivelé. C’est la fin dans ma tête, j’ai envie d’arrêter ce cauchemar, je rentrer et d’aller me coucher, comme une envie d’être libérée. Ça y est ma décision est prise, je finirais à Sans Soucis. Encore faut-il rejoindre ce ravitaillement. Encore une heure et demi de descente, de torture avant d’être libérée. La famille de Fred étant au courant de mon état, Mélanie, la soeur de Fred, me rejoint pour finir avec moi. Quelle joie de la voir, j’allais pouvoir être accompagnée jusqu’a la fin de ma course. Arrivée, j’ai mangé quelques crêpes bien méritées, je me suis faite masser, j’ai dormi, au final, j’avais uniquement 1h d’avance sur la barrière horaire. J’aurais été arrêtée plus loin. Il était pour moi plus judicieux d’arrêter là. J’ai tout de même couru 73km avec plus de 4500m de dénivelé
Ce que j’ai appris de cette course :
– J’ai besoin d’être accompagnée au delà de deux nuits
– Je vais recommencer à faire des distances inférieures a 100km car je prends plus de plaisir
– Il faut que j’apprenne à plus dormir sur mes courses
Et vous, comment gérez vous vos courses longues ?